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 I l y a déjà longtemps que j'ai idée de conter cette histoire. Disons: la vraie histoire. Ou la fausse. Vous savez discerner le vrai du faux ? Si oui, tant mieux pour vous, moi non. Discerner le réel du non réel, ça je sais faire, en gros, mais le vrai du faux… Passons là-dessus, et venons-en à mon conte. Il concerne principalement la deuxième guerre mondiale, mais probablement ça ira un peu en-deçà et au-delà; disons: alentour de 1942 à plus ou moins trois mille ans.


Il y a une chose que j'ai comprise il y a environ une quinzaine d'années, qui est que «les Américains» ne sont pas venus en Europe pour «sauver le Monde de l'horreur nazie». Les nazis, ils s'en foutaient. Enfin, pas vraiment, mais du moins ils se foutaient de la supposée menace qu'ils auraient représenté. Entendons-nous: supposée, pour eux. Pour les Européens puis, par après, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, c'était autre chose, là elle n'était pas supposée mais avérée. Ou plutôt non: ce n'était pas une menace mais un fait avéré de situation critique. Par contre, pour «les Américains» les nazis n'étaient pas une menace, et ce n'est pas les deux ou trois vaisseaux qu'on leur coula qui auraient pu justifier une intervention, c'est des chose qui arrivent, on passe ça par pertes et profits, et puis ça fait marcher le commerce: un bateau de détruit, dix de construits. Un indice net qu'il se passa autre chose est le temps remarquablement long qu'il fallut aux États-Unis pour intervenir: presque cinq ans. Un autre indice est le temps presque aussi long où les États-Unis maintinrent des relations avec tous les belligérants (sauf le Japon à partir de décembre 1942). Toutes les relations d'État à État: politiques, diplomatiques, économiques, financières. L'histoire est connue: en 1944 comme en 1917 les Étatsuniens reçurent sur la tête des obus «sous licence US» lancés par des armes «sous licence US» tractées par des véhicules «sous licence US». Mais ils sont habitués à la chose: dans presque tous les pays auxquels ils firent la guerre depuis le début du XX° siècle les gouvernements devenus indésirables avaient fait du «contrôle de population» avec un appui logistique et en matériel militaire Made in USA.

J'ai une hypothèse concernant les États-Unis: certaines personnes ont découvert un mode de gestion des populations un peu spécial, une méthode dérivée de celles exploitées auparavant mais avec des effets très différents; ça se passa vers le XIII° siècle. Dans les débuts ce fut assez bricolé, mais peu à peu des outils et concepts plus perfectionnés permirent d'obtenir des résultats de plus en plus efficaces, puis à un certain moment, trop efficaces. La cause initiale est ce qu'on appelle ordinairement conversion ou révolution: en un court moment une société «est retournée» ou «se retourne»; cette fois ce fut une conversion: après une résistance de plusieurs siècles toute l'Europe chrétienne catholique se convertit à l'islam en quelques décennies. Enfin toute l'Europe… Pas si évident. Vous savez, c'est compliqué ces histoires. Ou peut-être ne le savez-vous pas. Lors des «conversions de masse» les choses se passent rarement comme elles en ont l'air.


Je vous l'avais dit, ça risquait de déborder un petit peu autour de 1942: la cause initiale de la deuxième guerre mondiale part de très loin, au moins 25000 à 30000 ans, mais pour la période antérieure à il y a environ 3500 ans on n'a que des conjectures et pour celle d'il y a plus de 1500 ans les faits sont incertains. La cause initiale large est ce que j'appelle, dans un autre texte, la question du premier occupant; mais depuis quelques millénaires elle a perdu de sa pertinence, les gens se sont tellement mélangés qu'il est impossible de dire qu'il y a, parmi eux, un représentant légal de ce premier occupant; on peut prendre un exemple pour comprendre pourquoi la question est dépassée: dans une ville comme Paris, il y eut en son temps un «premier occupant»; depuis, bien de l'eau a coulé sous les ponts, les gens sont venus, partis, revenus, repartis, les premiers occupants ont fait des alliances avec les nouveaux, les enfants issus de ces alliances ont à leur tour fait des alliances avec d'encore plus nouveaux occupants, et en 2005, il est impossible de dire que l'un ou l'autre descendant est «le plus légitime occupant», ils le sont tous ou aucun ne l'est. Ce qui est vrai pour Paris l'est pour l'ensemble du territoire dénommé Europe centrale et occidentale: au cours des 30000 ans derniers, il y eut des strates infinies et superposées d'occupants; certains ont massacré ceux qu'ils trouvèrent sur le lieu où ils décidèrent de s'installer; d'autres les chassèrent; pour d'autres, ils préférèrent s'allier à eux ou leur imposer leur domination; parfois, des groupes dominés ou chassés parvinrent à reprendre le contrôle de la terre et, tantôt massacrèrent, tantôt chassèrent l'usurpateur, tantôt – etc.

Ce qui n'empêche certains de vouloir déterminer «le premier occupant». Prenez les idéologues de la basquitude, les défenseurs des «Basques de souche»: ils ont trouvé il y a peu un truc pour déterminer qui est vraiment basque et qui non, qui l'est à moitié, au quart, au huitième, au seizième, au trente-deuxième. Au-delà, ça ne marche pas, à cause des lois de Mendel. Leur «truc» est du même genre que ceux antérieurs, «la Loi du Sang». Littéralement cela: un marqueur génétique dont le premier critère est le groupe sanguin. Il est intéressant de voir comment les mêmes fantasmes ancestraux savent avec art utiliser les méthodes les plus contemporaines pour tenter de retrouver une légitimité: depuis des temps immémoriaux le déterminant de la bonne filiation est le sang; en un temps pré-scientifique était «un vrai» qui avait le sang bleu; la science aidant, cette fable fut disqualifiée; par après, dans la France du milieu du XIX° siècle, le critère était d'avoir du sang gaulois dans les veines, et ça se déterminait je ne sais trop comment mais ça perdit de la pertinence quand, dans les débuts du XX° siècle, l'archéo-antropologie remit en cause les fables sur la pérennité de l'occupation multi-millénaire du sol; par après, il y eut la phase des origines aryennes, avec critères généalogiques et physionomiques, mais toujours l'idée de la «pureté du sang». Et la science discrimante du temps, la génétique, sert désormais à étayer «objectivement» ce vieux fantasme du sang. Comme le disait aujourd'hui même un neurologue sur France Culture, la science requiert le réductionnisme méthodologique mais il ne doit pas déboucher sur un réductionnisme idéologique. Malheureusement, dans bien des sociétés le réductionnisme idéologique est la tendance de masse, et il y aura toujours quelqu'un quelque part pour s'emparer d'une réduction expérimentale pour en tirer des conclusions sur le plan social. Cf. la sociobiologie et le «darwinisme social» (plus justement désignable spencérisme).

N'allons pas si loin et restons-en à un niveau théologico-politique: depuis environ 3000 ans, avec la fixation (la théorisation) du concept de monothéisme, certains groupes se succédèrent et/ou s'opposèrent pour savoir qui c'est qui a le seul vrai Dieu que c'est le mien à moi. Dit en termes plus choisis et subtils, bien sûr. Bien que ça ait eu lieu un peu partout dans la zone eurasiatique, avec extension vers l'Afrique du nord et de l'est, contentons-nous de la zone qui m'intéresse, celle qu'on peut désigner euro-méditerranéenne. Par après – notamment à partir du VIII° siècle – le cas euro-méditerranéen atteignit une plus large zone, jusqu'à toucher l'ensemble de la planète à partir du XVIII° siècle, mais le cœur du problème se situe, depuis des temps mémoriaux (historiques) autour de trois mers, la Méditerranée, la noire et la caspienne. Dans cette histoire, il y a un centre et quatre quartiers. Le centre est du côté de ce qui forme aujourd'hui la Turquie, qui fut avant ça Byzance et fut avant encore l'Asie mineure; le point d'attraction principal de ce centre est le mont Ararat. Le quartier sud-ouest est continument formé par le Maghreb, avec parfois extension vers la Péninsule ibérique et le Machreq; le quartier sud-est est l'actuel Moyen-Orient; le quartier nord-ouest s'articule sur le territoire actuel des six nations fondatrices du Marché commun et le quartier nord-est sur l'Ukraine, la Russie; les parties périphériques (îles océaniques, Europe du nord, Péninsule ibérique, Asie centrale, Sibérie) y sont parfois rattachées et parfois non; la zone médiane – Europe baltique, centrale et balkanique – navigue du nord-est au nord-ouest, et pour celle balkanique, est parfois rattachée en tout ou partie au centre. Tout part de la zone allant de l'Égypte à l'Irak et vers le nord jusqu'à l'Arménie. Au cœur de cette zone, la Galilée.


J'explore la question d'autre manière par ailleurs, mais il est bon de savoir d'où la Galilée tire son nom: le mot signifie cercle, ou district, ou province. Disons, un espace délimité (encerclé) ayant une autonomie administrative. Le véritable nom, c'est «galilée des nations» ce qui, dans la compréhension des Hébreux de l'époque, signifiait «district des non-juifs». Actuellement, la Galilée biblique est répartie dans trois États, le plus gros morceau est intégré à l'État d'Israël, le second en superficie est théoriquement intégré à la Syrie mais largement sous contrôle israélien, le Golan, enfin, un morceau plus petit forme une bonne partie du si fameux «Liban sud». Cette zone est la «galilée des nations» depuis bien plus longtemps que l'époque où les Hébreux s'emparèrent de la Palestine et du Liban, et le resta bien après la destruction du second Temple, avec la dispersion subséquente des juifs (et non pas des Hébreux – on y reviendra, je pense). Cette zone fut telle parce que remarquablement bien située, fertile, avec l'attrait important de l'immense lac «de Tibériade» (c'est un de ses noms, et pas le plus juste mais du moins le plus courant), une accès facile vers la façade maritime du Liban, et surtout, une place commode à contrôler et à défendre. Pour ce qui nous concerne, c'est donc là que, dans les débuts de notre conte, «les nations» se rencontraient. Dit autrement, une zone de denses échanges économiques, culturels et politiques.

Contrairement à l'histoire que nous raconte la Bible, les Hébreux ne sont pas, au départ, des personnes généalogiquement liées de manière effective, je veux dire: descendant biologiquement d'un ancêtre commun.